Dans un contexte où l’action de la Justice est fortement critiquée, les conférences des premiers présidents et des procureurs généraux de cour d’appel, des présidents et des procureurs de la République de tribunal judiciaire rappellent l’importance qui s’attache, dans un état de droit, au respect de l’activité des magistrats, laquelle doit pouvoir s’exercer en toute indépendance et sérénité.
Ce respect fonde la confiance que chaque citoyen doit pouvoir placer dans le fonctionnement des institutions démocratiques de son pays.
Lui porter atteinte revient à ébranler cette indispensable confiance et à fragiliser notre pacte républicain.
Un palier a de plus été franchi par des attaques et menaces visant personnellement des magistrats du fait de décisions rendues en application des lois votées par la représentation nationale. S’il est loisible à chacun de commenter et le cas échéant critiquer les décisions de justice, comme de former des recours pour un nouvel examen des faits reprochés devant une cour d’appel, de telles atteintes ne peuvent être admises en démocratie. Les conférences des chefs de cour et de juridiction manifestent leur inquiétude face à cette évolution et apportent leur soutien aux magistrats ainsi mis en cause.
Il convient enfin de rappeler que la condamnation contestée intervient après une instruction de plusieurs années lors de laquelle les personnes mises en cause ont pu utiliser tous les moyens de défense qu’elles souhaitaient mettre en œuvre, et après un procès qui a duré plusieurs mois au cours duquel les prévenus et leurs avocats se sont exprimés, ont pu citer des témoins, ont contesté les éléments et ont pu débattre des preuves du dossier. La décision a été rendue, après un long délibéré, par une formation collégiale qui a pris le soin d’argumenter et de détailler de manière particulièrement approfondie sa décision de culpabilité et ses choix de peines en individualisant celles-ci, comme le lui demande la loi, à la situation de chaque personne condamnée. C’est ce processus, très protecteur des droits de la défense, qui constitue le cœur de l’état de droit.
La Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires (CNPTJ) porte, avec conviction et constance, la haute ambition d'une justice répondant aux standards démocratiques européens d'un état de droit.
Rigoureusement attachée à l'indépendance de l'institution judiciaire, à la promotion d'une justice modernisée, dotée des moyens conformes à ses missions et s'insérant dans une vision et un exercice sincère de la séparation des pouvoirs, la CNPTJ a défendu, notamment lors de la récente mission d'enquête parlementaire sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire, et défendra, en toutes circonstances, l'exigence d'une justice reconnue et respectée.
Les présidents de tribunaux judiciaires ont le devoir de soutenir, au besoin publiquement, les magistrats lorsqu'ils sont victimes d'attaques collectives ou d'atteintes à l'exercice normal de leurs missions ainsi qu'à la crédibilité de leurs actions.
A ce titre, ils entendent témoigner de l'émoi et de la forte incompréhension suscités au sein de la communauté judiciaire par des prises de position au plus haut niveau et des discours perçus comme ne laissant pas la place à la présomption d'innocence et atteignant, par leur absence de nuance et leurs a priori, une profession qui, malgré le dénuement de ses moyens, œuvre quotidiennement, au plus près des préoccupations de ses concitoyens, pour rendre une justice humaine et défendre les valeurs d'une société démocratique, y compris dans la période de crise sanitaire actuelle.
Fière de la diversité des recrutements et des parcours des magistrats formés dans une École d'application internationalement reconnue, la CNPTJ, force constante de propositions, ouverte aux évolutions de la société, ne peut se résoudre à des présentations caricaturales, alors même que nos concitoyens méritent une justice forte, protectrice et respectée.
La CNPTJ attend, au contraire, un engagement fort au soutien de l'institution judiciaire, notamment en la dotant des moyens matériels et humains indispensables à un fonctionnement de qualité, en développant un plan de transformation numérique à la hauteur des enjeux, en permettant aux parquets de disposer d'une véritable indépendance fonctionnelle et en lui conférant une autonomie financière conforme aux recommandations européennes.
La justice a besoin d'une véritable ambition.
La CNPTJ attend avec impatience et prend acte des annonces en matière budgétaire faites par le Premier ministre le 24 septembre 2020.